jeudi 19 décembre 2013

Le pied marin.

Vendredi 15 Novembre 2013, un réveil pourtant pas bien différent des autres, niché à l'étage supérieur du lit superposé qui termine sa semaine d'accueil. Je pensais presque être venu à bout du dortoir de 24 couchettes, mais le karma vient de me rappeler que dormir en altitude n'est pas chose aisée. Un sommeil digéré à presque 1mètre 50 de hauteur peut parfois être fatal. Tout s'est passé très vite mes enfants.
Envie pressante, réveil, saut carpé depuis le lit, et atterrissage tout en chaos et violence sur le grand verre vide laissé par une compatriote française, qui devait certainement avoir besoin d'abreuver son sang d'un liquide moins préjudiciable que celui servit au bar des voyageurs de la ville.
Je pense que j'avais pas eu aussi mal depuis les chutes en skateboard il y a peut être quinze ans de cela. Nos colocataires du moment doivent se souvenir encore du cri d'animal meurtri lâché dans la chambrée. Une façon de leur dire qu'ils n'ont pas le monopole de la nuisance sonore avec leur bourdonnement nasal.
Enfin bref, mon pied gauche est désormais aussi utile qu'un parapluie en Californie, et je ne sais pas pour autant quel diagnostic pèse sur mon ripaton. La charmante infirmière qui m'accompagne, quant à elle, ne cesse de me répéter qu'elle n'a pas des rayons X à la place des yeux. Sic. On verra bien...
Telle une pièce de puzzle qui viendrait s'emboiter parfaitement au plan maléfique du karma, on vient de louer une voiture pour arpenter la fameuse route 1 qui relie San Francisco à San Diego ; le hasard organise les choses ainsi, nous sommes aux USA, et les voitures automatiques dominent largement le marché de l'automobile. Je dis donc "Au Revoir" à l'usage de mon pied gauche (et adieu au projet surf sur la plage de Malibu par la même occasion).

Avant de quitter San Francisco, passage obligé par les locaux de Fat Wreck Chords, LE label de disque qui a mis au monde les trois-quarts des albums fondamentaux de mon adolescence. Le label qui a bercé mes tendres années. "Peut-être un peu trop près du mur", diront les cancaniers.
Fat Records ouvre les portes de son bureau, 1heure et demi par mois pour les clients qui veulent attraper au vol quelques nouveautés, ou le dernier 45 tours qui rendra jaloux le voisin. J'ai beau avoir l'impression d'avoir installé une enclume sur mon pied, j'irais en rampant s'il le faut. 
Sur place, j'oublie vite ma jambe qui louche. On passe une belle heure à fouiner les bacs, jaser avec les salariés, et descendre quelques bières bon marché. Le big boss est là. Fat Mike, le gros michel, leader de l'orchestre NOFX, poids lourd du punk rock californien, et forcément je suis comme une jouvencelle devant Justin Bieber. En pire. Il règne comme une bonne ambiance de famille dans le bureau, nous sommes une petite dizaine, à profiter d'un apéritif interminable à la sortie du travail de certains. 


 Michel.
Fat's warehouse
Comme si Géraldine n'avait pas eu sa dose de punk rock, on file au 924 Gilman Street, découvrir à quoi ressemble l'épicentre de la scène alternative Californienne, le chef lieu du Do It Yourself, l'endroit où Green Day, Rancid et Good Riddance ont cassé leurs premières cordes. On assiste aux spectacles de groupes ska-punk locaux. Il aurait pu avoir un sombre groupe de Death Crust Norvégien à l'affiche ou Ska-P qui reprend Bad Religion, dans tous les cas, j'aurais été le plus heureux des hommes. Le lieu est agréable, et les valeurs défendues sont nobles. Ca fait du bien de voir que depuis toutes ces années rien a bougé. Pour les gens qui ne peuvent se payer l'entrée, il existe toujours la solution d'être bénévole d'un soir, et donner un coup de patte à l'organisation de l'évènement. Le coup de patte, je l'ai déjà donné dans un verre, on paiera l'entrée pour ce soir.
J'ai dansé un peu. Un peu trop pour cette patte folle certainement...
Day Labor @ Gilman Street 
924 Gilman Street
On a passé une semaine sur la route, alternant motels miteux et nuits dans la voiture, sur des sièges pas vraiment adaptés pour accueillir nos carcasses fatiguées. On s'est fait réveiller en pleine nuit par des policiers prévenants, ou à l'aube par des lions de mers en pleine coït. On a beaucoup roulé, sur les routes de la charmante côte pacifique, dans le désert ou entre les séquoias du Big Basin. Ca me manquait tellement de conduire. Comme si j'avais pas revu depuis trop longtemps cette vieille tante qui pimente les repas de famille.
Mon pied gauche quant à lui, n'a cessé d'enfler, à tel point qu'il a fallu tout de même aller voir un professionnel de la médecine pour savoir s'il fallait poser un pied mécanique façon Robocop, ou simplement renverser le sablier en attendant des jours meilleurs. Bilan : deux orteils fracturés, une paire de béquilles, et une sandale adaptée pour reposer le malheureux. 
Pour renverser la balance, on aussi roulé jusqu'à Las Vegas chercher les 250 dollars que nous avons oublié de donner à l'hôpital de Santa Cruz. La ville est intrigante, pendant deux heures ou trois, et puis devient vite lassante.Trop de lumières, trop de musique, trop de monde, trop d'excès, trop de surcharges pondérales vautrées dans les machines à sous, le coude dans le cendrier. 
Un dernier tour pour saluer de nouveau la cité des Anges, et nous avons rejoint nos potes de San Francisco, les très sympathiques Joakim et Sarah du coté de San Diego, avant qu'ils ne s'envolent pour l'Australie, et nous pour le Guatémala, histoire de mettre ce satané pied au calme. Nous étions donc au camping pour le dernier week-end de Novembre. Tout va toujours pour le mieux en Californie même à cloche-pied.

Somewhere in Nevada 
Mavericks, CA

Santa Cruz, CA

Pied en mousse.

Road.
Las Vegas, NV

Las Vegas, NV

dimanche 8 décembre 2013

We can dance until we die.

"Teenage Dreams" chantait Katy Perry il y a quelques années. Nous sommes en Californie, et ce rêve d'adolescent n'est donc pas loin de se produire. Il fallut tout de même attendre le douloureux cap des trente piges pour pouvoir me mouvoir jusqu'à ces terres si importantes. Cette région tellement inestimable pour le jeune pubère en pleine tentative de construction identitaire du milieu des années 90. De Dead Kennedy's à Green Day, de Aaron Cometbus à John Fante, de Kelly Slater à Duane Peters, les idoles de ma jeunesse sont pour la plupart d'entre elles, sorties de la rosette du Golden State.
On a débarqué à Los Angeles, un soir de début Novembre. Depuis le hublot déjà, tout semblait inhumain, des hectares entiers illuminés par les réverbères bordant des routes sans fin, un horizon toujours éclairé par le flot perpétuel des voitures, l'équivalent d'un département français débordant d'activité nocturne.
On a débarqué chez Nicolas, un camarade français installé dans le nord de la ville avec sa compagne Michelle, américaine, originaire du coin. Je vous épargne le script de la love story entre ces deux là, Rox et Rouky en deviendraient jaloux à mourir.
 J'avais croisé Nico que trop peu de fois il y a quelques années. A l'époque, il travaillait à Nice, pour cet excellent lieu culturel intitulé "Le Volume", et jouait dans l'orchestre La Relève. Etre sur la route avec un groupe offre l'opportunité incroyable de rencontrer un maximum de gens. Je ne comprendrais néanmoins jamais comment les évènements arrivent à s'organiser pour que l'on puisse croiser beaucoup plus la bande de rockeurs lourdauds, ahuris du coin, que les personnes avec qui tu as quelque chose à partager. Le karma doit bien jeter quelques fléchettes sur les roues du destin de temps à autres. Pour quelques heures ou pour une semaine, le temps parait souvent trop court avec les âmes attrayantes.
Nico nous a gentiment proposé d'occuper une partie du salon le temps de notre séjour à L.A. Il est installé en colocation avec Michelle et deux compagnons locaux. Nico et Michelle furent tour à tour guides, chanteurs de karaoké, et partenaires de fête redoutable.
Impossible de visiter la cité des Anges en une semaine. Nous avons toutefois alterné les sympathiques visites avec Michelle et Nico dans leur charmant camion, sobrement nommé "The Blue Whale", et des journées terrassantes à se battre avec les transports en commun locaux. Un lieu = une journée.
A Los Angeles, sans voiture, tu ne peux pas te permettre de dire : "On passe faire un tour à Venice, on fonce claquer une bise à Johnny vers Pacific Palisades, et puis on ira boire un coup avec Lemmy sur Hollywood Bd." Non, trouver le bon bus pour aller à Venice beach, prendra déjà deux heures. Et puis Lemmy n'est jamais au Rainbow de toute façon...

Venice Beach.
Santa Monica Pier

Seal beach, Orange County
San Francisco, 7 heures de bus bon marché vers le nord. Une nuit blanche pour rejoindre la troisième destination touristique des Etats Unis. On pose nos valises dans une ravissante auberge de jeunesse sur les hauteurs du port, un backpacker réunissant voyageurs et marines à la retraite. Il y règne une étrange atmosphère, entre odeurs de chaussettes, récits de vieux baroudeurs, et centre de loisir en devenir. J'avais presque oublié le charme des ces dortoirs de 24 lits, les opéras nasaux, les émanations d'alcool, et les rencontres qui vont avec.
Dans les rues abruptes de San Francisco, on s'accointe facilement avec les sans-abris, qui font parti du décor. A la différence de nos chères contrées hexagonales, les "homeless" semblent relativement bien intégré à la vie de la ville. Difficile de se faire une idée en si peu de temps, mais j'ai comme l'impression que le rapport à la société normée est moins à sens unique que par chez nous.
"La honte de la ville" comme l'appelle certains médias locaux, fait parti du charme de certains quartiers, en particulier Haight-Ashbury, le repère des anciens hippies où se mélange allègrement la faune locale, les commerçants, et les touristes de passages.
On se baigne dans cette ville à dimension européenne, de magasins de disques en musée, de parcs verdoyants en boutiques pour hipsters dégueulasses, en compagnie de nos compères rencontrés dans l'auberge. Anderson, notre ami canadien, Bryan de Monterey mais aussi et surtout Joakim et Sarah, un couple français sur la route depuis déjà 8 mois sont nos compagnons de passage... Tous nous apportent tous leur expérience de la ville. On passe une semaine bien trop courte. Une semaine qui se termine par un cascade mal négociée depuis le haut d'un lit superposé. Un coup du sort, une fois de plus qui aura une influence certaine sur la suite des aventures. Mais ça c'est pour le prochain épisode...

PS : J'ai activé la fonction "Commentaires" un peu plus bas, l'histoire d'apporter un peu d'interactivité à ce site. Merci d'éviter toutefois les histoires de "quenelles" où je ne sais quelles autres niaiseries à la mode qui pourrissent les réseaux sociaux actuels.

Cable cars
Haight Street.
Golden Gate Bridge
Sea lions - Pier 39 
Beat Museum