dimanche 25 mai 2014

Liste à jouer.

La fin du voyage commence à pointer le bout de son nez. On commence à se faire à l'idée, à anticiper le retour, à faire le bilan de ces derniers mois. Le cafard nous rappelle même son existence lors d'innombrables cauchemars nocturnes. Mais il est un constat probant, quand je cogite sur ces derniers mois : Je pense ne jamais avoir écouté autant de musique. Tous ces trajets ont besoin de bande originale. Une ville, une plage, un pays, une rencontre, chaque moment devrait avoir droit à son association musicale. Mais tant que le dernier avion n'aura pas posé ses petites roues sur le tarmac de Toulouse Blagnac, on sera toujours sur la route. Encore et toujours. Les feuilles bien au chaud dans des disques qui sont comme des compagnons de route.
Voici les 10 galettes qui tournent en boucle dans le lecteur numérique depuis quelques semaines. 

NOT SCIENTISTS " Leave stickers on our graves" 
Nouvelle orchestre français, mais des frimousses qu’on a l’habitude de croiser sur les scènes hexagonales et ailleurs depuis quelques années. Je ne vous ressors pas le casting, vous avez vite compris que ce n’est pas à ces gugusses là que tu vas apprendre à composer une chanson de punk rock. 6 titres entre entre pop punk, indie pop, en levant le pied sur le gain des guitares. Je pense à Dead to me, One man Army, et toute la bande. Le chant et les harmonies sont impeccables, sans enlever en énergie et pugnacité. S’il existe sur terre, quelqu’un qui a écouté ce premier disque plus que moi, qu’il lève le doigt où ne se taise à jamais. 


JUSTIN(E) "d+/m-"
Ils sont remarquables ces champions de foot de Loire Atlantique. Toujours régulièrement productifs, malgré leurs emplois du temps chargés à chacun. J’ai craqué, j’ai envoyé un mail à Fabien pour qu’il m’envoie les mp3, tanné d’écouter le disque sur bandcamp, quand je pouvais voler un peu de wifi dans un terminal de bus. Une pochette inspirée du test Szondi, des paroles toujours singulièrement bien écrites, des titres peut être plus mid tempo que sur le précédent effort, mais toujours diablement efficaces. Entre la classe et le génie, Justin(e) est en train de mettre une grosse trace de crampons sur le terrain du rock français.

THE BILLEXCITED  "Demo"
Nouveau groupe de Pat, mon pote de toujours. J’ai l’impression qu’il y trouve bien son compte dans cette formule rockabilly, rock’n’roll et autres sensations pour adeptes des performances capillaires gominées. Il y a un grain de folie dans le chant qui me rappelle sa personnalité, en apportant donc une touche d’originalité dans un genre pourtant largement épongé. Première démo, premières scènes, j’ai hâte de voir ce vieux coquin et ses comparses en rentrant afin de me faire valser les rotules. 



FLYING DONUTS "Still active"
Retour du trio vosgien en pleine forme. 14 titres, production à la hauteur de leur précision scénique, et petites collections de pépites de rock, naviguant aisément entre punk rock, power rock,  sans oublier quelques clins d’oeil appuyés au métal qu’ils affectionnent sans vergogne. Un nouvelle copie qui sort avec les félicitations du jury. Mention spéciale pour The Fuziness, tube en puissance. Foutez moi ce groupe dans un stade devant 80 000 personnes qui attendent Dave Grohl. Il est temps d’éduquer la plèbe et de filer à ces mecs le statut qu’ils méritent.


ALPHA WANN "Alph Lauren"
Hip hop non stop. J’écoute toujours plein de rap français, et cette nouvelle génération me revigore pour la décennie à venir. J’aime ce type, il a cette faculté à poser ses couplets différemment des autres.  Je ne saurais pas expliquer pourquoi. J’y connais pas grand chose au final. Jamais vraiment sur la caisse claire, il flirte avec le beat en rendant l’auditeur sceptique puis admiratif. L’influence de l’école américaine toujours en fond, il manque au jeune un peu plus de fond dans les textes pour finir de me séduire. Ca ne devrait pas tarder. 

BLACK PIGEON "On se partagera les miettes"
Niveau d'objectivité à zéro, c'est la famille, difficile de faire preuve d'impartialité. Autant le premier EP, est loin d'être en tête de gondole de mes goûts discographiques, autant je trouve que l'album est franchement réussi. Punk rock en français, textes sombres et actuels sur le monde qui nous entoure, et influences musicales piochées dans notre scène française comme chez nos voisins d'outre - atlantique. Ecouter ce disque, c'est certainement tenter de combler le manque. Loin des yeux, près du coeur, mais surtout près des oreilles.

THE LAWRENCE ARMS " Metropole"
J'en avais presque oublié leur existence à ces loustics. Bon je reste fan de Brendan Kelly. Le champion de l'humour et du gros fun dans la vie, mais certainement pas dans ses chansons. Encore un tourmenté du bulbe. Je le suis sur twitter comme sur ses disques depuis la période de Slapstick, alors je m'attache toujours à l'épier en cachette. Il a donc fallu jeter une esgourde à ce nouvel effort sorti chez le gros papa d'Epitaph. Rien à jeter, mid tempo punk rock, du songwriting de grande envergure, de belles histoires racontées en musique.
Parfait pour regarder défiler la route, bien calé à l'arrière du bus de nuit.
"I'm the chorus to that lonely street, just footsteps fading from a dying beat"



MIRACLES "Motels"
On les a vu à 2 reprises en spectacle à Montréal, au tout début du voyage. J’avais été plus que convaincu par cette formule acoustique, nouveau projet d’Hugo et Fred (Yesterday’s ring/St Cath). Un disque chanté en français qui plus est, enregistré live dans des motels de la région québécoise. Un mélange de folk, de punk, de rock, soigneusement arrangé et merveilleusement accompagné par une pléiade d’invités de la belle province. Trois incartades au milieu du disque sur le chemin de la variété, il faut savoir coller les étiquettes quand elles ne grattent pas l’épiderme. Aucun soucis, j’adhère à fond.

NIGHT BIRDS "Born to die in Suburbia"
Des campagnards du New Jersey affirme la biographie de ce génialissime orchestre. Un statut revendiqué dans le titre de leur disque, et que l’on ressent tout au long de l’écoute. Entre punk rock, vieille école californienne (Dead Kennedys, Youth Brigade, Agent Orange…) et surf music cradingue sous stéroïdes. J’ai découvert  la semaine dernière profitant d’une connexion wifi d’une puissance assez incroyable pour être évoqué ici. Cet album accompagne tous mes déplacements longue durée en Thailande. Grosse sensation. Ils viennent de signer chez Fat wreck, je ne m’inquiète pas pour leur avenir. 
LE RAT LUCIANO "Mode de vie ... Béton style"
Je suis passé à coté lors de sa sortie il y a 14 ans, trop occupé à me combler les feuilles de décibels distordus, alors je rattrape le temps perdu. C’est un disque de rap mais je l’écoute comme un album de street punk trop chargé d’émotions. Le marseillais pose les parties génitales posées sur la table de mixage. Sincère, hargneux, brut, mais positif ; un témoignage social et personnel d’une époque qui n’a pas beaucoup évolué. Un bijou du patrimoine français. « C’est de la pure oeuvre de rue, un vrai conte de fée moderne ». C’est lui qui le dit.

mercredi 21 mai 2014

Tasmanie, Australie.

Il était beau et fringant, ce jeune couple belge croisé à Tupiza, dans le sud de la Bolivie. En échangeant nos expériences respectives de voyage et autres bons plans de route, nous en sommes arrivés à parler "budget", "gestion" et autres sujets de causerie qui m'intéressent autant que le cour du cacao à Londres. Mais il fallut se rendre à l'évidence, après six mois de route et un compte en banque directement relégué aux soins intensifs, nous étions tout disposés à entendre les meilleures théories, pour vite se refaire une santé financière. Ce frétillant gaillard et sa compagne nous ont donc suggéré de partir pour la Tasmanie, au sud-est de l'Australie, puisque leur expérience professionnelle sur l'île leur avait rapporté beaucoup d'argent en très peu de temps. A l'issu de cette simple anecdote, et sans s'accorder un quelconque temps de réflexion, nous avons pris un billet d'avion pour Hobart, capitale de l'état de Tasmanie. Tout comme Zidane, nous sommes partis sur un coup de tête.
Loin des images idylliques que nous servent les médias sur " l'Australie, ce nouvel eldorado pour les jeunes français", la réalité sur place est manifestement différente en particulier dans le domaine du travail saisonnier.  Dans différentes zones de camping, nous nous sommes retrouvés parfois une bonne trentaine issu des 4 coins du bocal, à mendier du travail auprès des fermes de la région. En auto stop, comme au bon vieux temps, voguant d'exploitations en exploitations, on a essayé de "vendre" péniblement notre professionnalisme et notre savoir faire unique au monde dans ce mouvement particulier, qui consiste à détacher ce noble fruit qui est la pomme, de la branche qui l'héberge. Et croyez moi, quand vous êtes rémunérés au rendement, le mouvement on l'acquière vite, mais mieux encore, on le répète à toute vitesse. Dans ce camping,  niché au milieu de la magnifique Huon Valley, nous avons finit par devenir une petite famille. Allemands,  italiens, chinois, canadiens, bref un casting pour Benetton qui se nourrit essentiellement de pâtes ou de riz. Nous étions mal payés, éreintés, mais heureux. Puis nous sommes remontés vers le nord de l'état, afin de rejoindre nos potes Fabrice & Charlotte. Quelques jours toujours dans le business de la pomme du coté d'Hillwood, à côtoyer Crocodile Dundee et consorts, puis la grande et flamboyante Pomme de Terre a fait irruption dans nos vies.
Home @ Cygnet, Huon Valley
living in the rows, Cygnet.
Enrik & Sven (Estonie), Hillwood.
Grâce aux démarches précédentes effectuées par Fabrice & Charlotte, nous nous sommes présentés aux portes de la charmante bourgade de Longford, au nord de Launceston, afin de remplir la mission d'ouvrier agricole. Toujours au camping, mais cette fois-ci dans des conditions quasi hivernales, nous avons donc partagé le quotidien d'une incroyable bande de locaux aux personnalités toutes aussi agréables les unes que les autres.
Il s'est ainsi déroulé un mois entier, où le réveil quotidiennement réglé à 5h30 nous a fait sortir de la tente pour nous installer sur des grosses moissonneuses, où nous étions chargés de trier ces charmantes patates toutes fraichement sorties de la terre. On en a vu passé de toutes les sortes. Des minuscules, des pourries, des juteuses, des rigolotes, des mickey mouse, des zizis, des black flag, la moindre excuse fût un prétexte à imaginer un scénario pour inventer une autre vie à ces tubercules.
Ce fût long et éprouvant, mais toujours dans une ambiance fraternelle bien propre à tous ces personnes qui fleurissent dans cette zone magnifiquement rurale.
A l'arrière des tracteurs, j'y ai retrouvé la passion de mon enfance. Les grosses machines, les roues plus grandes que papa, les chevaux qui poussent sous les capots, les séances de bricolage impromptues, mais aussi et surtout des gens simples.
Les Australiens les appellent : les "down to earth". Je n'ai toujours pas compris s' il y a une  touche d'ironie avec connotation péjorative dans l'expression, mais je ne vois guère comment cela est possible. Des gens simples, attentionnés, débordants d'imagination pour rendre service, qui auraient été prêts à tout donner pour te donner une vie plus facile. Ils s'appelaient Bloomy, Gary,  Jarod, Dylan, Tim, Cameron, Anthony, Andrew, Damian, Darryl ou bien David, et ils auront rendu ce voyage plus beau encore. Je pourrais déblatérer des heures en faisant l'éloge des gens avec qui nous avons travaillé à Longford, mais peut être qu'il suffirait de se plonger dans les chansons de country qui tournaient en boucle dans les pick-up des bonhommes pour se faire une idée de leur vie. Peut-être faudrait il écouter "Millworker" de James Taylor pour comprendre réellement leur quotidien.

Dylan, Jarod and the rotten spuds.

with Fabrice in the beast

Tea Break for GG
at work.
Et comme la vie est toujours bien faites, regardez donc qui a traduit les paroles de la chanson de James Taylor pour l'adapter en français. Une chanson qui permettra de mieux comprendre les propos ci dessus. Il est toujours là au bon moment le bougre. Le grand, le seul et l'unique : Mr Francis Cabrel.