Le « temps ». Le voilà le
problème principal lorsque l'on voyage. Il relègue largement
« l'argent » à la seconde place de nos préoccupations.
On se débrouille toujours sans argent. On saute les repas, on fait
des choix dans la qualité des transports par exemple, ou le but de
nos visites touristiques. On fait appel à des alternatives souvent
même enrichissantes. Impossible par contre de se battre contre le
sablier. Le temps court toujours trop vite quand tu essayes de le
rattraper. Une année, c'est peut être trop court. Que dis-je :
onze mois, sacrebleu. Je n'ai pas trouvé une seule fois le temps
long. Ne nous méprenons pas : La famille, les amis, « la
vie d'avant » manquent régulièrement, car on trouve
heureusement le temps d'y songer. Il s'agit de prendre conscience
qu'il existe, pour se rendre compte à quel point, on en manque. J'ai
retrouvé le goût de l'ennui, comme les joies de la vie rapide, à
se faufiler entre deux fuseaux horaires, on s'est mis à regretter
nos heures perdues.
Depuis l'Equateur, on a filé droit
jusqu'à Santiago du Chili. En retard sur notre parcours, on a du
essuyer des regrets à mettre des destinations de coté, faute de
temps. Mais on prend goût à ne dormir qu'une nuit par ville, à
être en perpétuel mouvement. On partage le début de la route avec
quelqu'un puis la fin avec quelqu'un d'autre. On aime, puis on
déteste, on savoure, puis on vomit, on se délecte puis on recrache.
Même pas la peine de lui demander de stopper. L'ascenseur émotionnel
n'hésite pas à s'arrêter à tous les étages. On s'attache et on
s'abandonne aurait presque osé ce détestable chanteur hexagonal.
Du Pérou, en passant par la Bolivie,
puis l'Argentine, pour finir au Chili, il nous est arrivé un paquet
d'aventures. Ca vaudrait presque le coup d'écrire un livre,
tellement ce fût trépidant et émouvant. J'y pense des fois. Reste
à prendre rendez vous, avec la question temporelle dont il est
question quelques lignes plus haut.
Rien à voir avec la choucroute
Alsacienne, mais je retiens ces instants passés devant les forums de
voyageurs pour glaner quelques informations, et autres conseils
utiles en Amérique du sud. Faut éviter de trainer par là. Ces soit
disant mines de savoir effraient plus qu'elles ne renseignent. Au
même titre que ces sites internet qui te fournissent un diagnostic
médical en trois clics, les forums de voyageurs décident d'une
destination à ta place en fonction du seuil de sécurité qu'une
poignée d'internautes aura choisi. Une douleur en haut de la cuisse,
il y a des chances pour que cela soit un cancer de la prostate. Un
accident dans le désert ? Le pays est aux mains des narco
trafiquants, et des chauffeurs ivres du matin au soir.
On a lu et entendu un paquet
d'histoires sordides, toutes déformées et amplifiées par les
langues insatisfaites, qui se plaisent à s'inventer une vie à la
Crocodile Dundee.
Voyager intelligent, savoir se déplacer
aux bonnes heures, apprendre à relativiser sa confiance en soi, et
avoir l'humilité pour co-pilote, semblent être les éléments
primordiaux de ces moments éphémères. Une fois que tout cela est
acquis, il devient tellement agréable de regarder défiler le
quotidien. Pas une journée s'est déroulée comme cela avait été
organisée la veille. En Amérique du sud, il suffit juste de jongler
avec l'imprévu. Le magnifique site du Machu Picchu fût le théâtre
d'improbables scènes de révolution internationale alors que le Rio
Urubamba était en crue. Devant le pont de sortie en mille morceaux,
nous nous sommes retrouvés une petite cinquantaine à prendre le
train, seul véritable échappatoire, en otage, exigeant aux
autorités de trouver une solution. Merci de regarder les images un
peu plus bas, pour admirer les réponses formulées par l'armée
Péruvienne. Dans le désert de Bolivie, notre sympathique guide, ne
trouve rien de mieux que de noyer ses peines personnelles dans
l'alcool, conduisant saoûl sur les routes du Dakar, percutant ses
camarades, pour finalement me laisser le volant pour les dernières
heures de piste. Les heures, coincées aux frontières, n'ont pas
démérité non plus. On a peut être cru y passer le reste de notre
vie à la frontière Argentine – Chili, à regarder le jour se
lever pendant que les chaleureux douaniers comptaient les produits de
contrebande. Autant dire que l'arrivée, il y a quelques jours en
Australie, eût un goût amer. Tout a été soudainement bien fade.
Une organisation aussi lisse et quadrillée que l'asphalte des routes
que nous empruntons actuellement. On finit par s'attacher à
l'imprévu, aux interminables bus de nuit, aux bras ouverts
sud-américains, et à l'odeur de la poussière sur le chemin, mais
on reviendra promis.