dimanche 27 octobre 2013

So long Montreal...

Aujourd'hui cela fait une semaine. Le jour tant redouté a finit par arriver. Nous avons du quitter Montréal, la boule au ventre, les maxillaires serrées, et une beau catalogue de souvenirs étalé dans l'hippocampe. Au terme de ces 7 semaines, nous y avons crée nos habitudes, des réflexes, et le début d'une nouvelle vie. Ca commençait à sentir la maison. Une jeune adolescente perdue au milieu des feuilles du parc Laurier m'a même demandé son chemin. J'ai répondu bien évidemment à coté de la plaque, et la pauvre demoiselle doit être toujours en train de chercher sa destination, mais c'est surement du, plus à mon pitoyable sens de l'orientation que à l'engagement corps et âme envers le dispositif organisationnel de la ville.
J'en profite pour remercier une fois de plus tous ceux qui nous ont filé un coup de main. Ceux qui nous ont hébergé bien sur, mais aussi ceux avec qui nous avons partagé un repas, une bonne brosse, qui nous ont prêté un vélo ou un sourire. 
Après avoir quitté le travail, on s'est octroyé deux fins de semaine entre amis, placés sous le signe du nihilisme. Le premier à Lyndhurst, Ontario avec mes deux potes d'enfance, installés au Canada, le second à Québec City avec nos colocataires  Montréalais. Les photos de Géraldine parleront surement mieux que ma prose bien fatiguée par nos trépidantes journées américaines du moment. Restez branchés.
Home

Couch view,  Lyndhurst
Gérard d'Aboville
Chutes de Montmorency, Québec

Ami(e)s du vertige

Roommates, Quebec City

Greg Laraigne @ Knock Out, Québec



mardi 15 octobre 2013

"Could you bring us the menu, please ?"

- "I am the live menu. Can I take a seat with you? To explain what could you drink or eat ?

C'est à peu près dans ces termes maladroits que l'ont commencé la majeure partie de mes interactions sociales de ce dernier mois. Estimez vous heureux, je vous épargne l'accent anglais du sud de la France, en vous les soumettant à la lecture.
C'était dans les plans depuis les premières prévisions "budget" du voyage.
Mettre de l'argent de coté, faire fructifier des deniers sur un compte épargne, n'étant pas ma grande spécialité, je me suis vite rendu à l'évidence. Il allait falloir travailler dès la première étape du voyage, en l'occurrence : Montréal.
Pas de visa de travail, une expérience extra-éducation spécialisée qui commence à dater d'une petite décennie, je me suis présenté pas réellement serein aux premières annonces qui me sont tombés sur le coin de l'oeil.  Quelques jours à m'acharner sur un site web comme le chat sur les rideaux du salon, et voilà que je me retrouve à décrocher un entretien d'embauche dans un salon de thé - pâtisserie française.
C'est sur les hauteurs de la ville que cette institution française est installée depuis soixante ans maintenant. Le propriétaire Canadien d'origine Italienne, vient de reprendre les choses en main, et a visiblement inculqué un nouveau souffle dans la large collection de produits français à consommer sur place, ou à emporter.
On m'explique que je vais certainement être d'office introduit en tant que serveur. C'est à dire que je saute la case "Busboy" pour accéder directement à l'olympe de la restauration : la prise de commande, le rapport direct avec le client. Je vais être l'image même de l'établissement dans la rétine du consommateur. La clientèle est composée d'habitué(e)s, souvent le club des cheveux d'argent du quartier, mais aussi et surtout de touristes fortunés, de passage dans la métropole et en quête d'embruns et de saveurs européennes.

Pantalon à pince, chemise blanche, noeud papillon, il faut être beau. Du moins, il faut essayer de l'être suivant les critères de beauté du boss italien. Il est d'ailleurs très clair avec cela puisque lors d'une réunion précédant le début du service, ce charmant quinquagénaire s'exprima en ces termes à ses salariés :
-" J'embauche des hommes élégants. Je veux pas de gros, ni de petits. Je veux des garçons qui peuvent plaire à ma clientèle féminine. Je veux que les clientes viennent ici pour la bouffe, mais aussi et surtout pour voir mes garçons. "
Je vous épargne la partie sur les femmes au travail, qu'il n'hésite pas à traiter allègrement de fainéantes.
Ok, un italien machiste et misogyne pour patron. Les clichés auront donc la vie facile.
Pour prendre la commande, il faut s'asseoir à la table du client, afin de présenter le menu, mais aussi pour permettre d'humaniser la relation serveur/client, personnaliser le rapport, instaurer un brin de sympathie dans ce moment si éphémère pour l'hôte de l'instant. Aucun problème la dessus, si effectivement les valeurs cachées derrière les méthodes étaient bien philanthropiques, mais il n'en est rien. On est là pour "draguer" le client, quitte à s'inventer une vie pour essayer de trouver des centres d'intérêts communs avec la victime.

Pause repas

Sous le brouillon capillaire qui me sert de coupe de cheveux, je me suis questionné des jours durant, sur le sens de mon travail ici. Mes collègues, aficionados de grosses voitures, aimant les sports de combat, et les blagues homophobes, j'ai du mal à me lever le matin pour aller au turbin. Oui mais, les manières de notre cher tenancier Italien fonctionnent à merveille puisque le salon de thé comme la pâtisserie ne désemplisse pas. Et quand ça marche financièrement pour le patron, ça marche pour les employés et au fil des jours qui s'écoulent, je me dis que dans quelques mois avec Géraldine, on sera les paturons croisés trempant dans l'eau du Pacifique, et ce même propriétaire napolitain ne sera qu'un lointain souvenir...
Mais c'est plus fort que moi, ma générosité déborde de palabres quand il s'agit d'évoquer le metteur en scène de la pâtisserie. Celui qui invite ses amis, propriétaires de rutilants automobiles, à manger le plat le plus long à concocter de la carte, et le tout 10 minutes avant la fermeture ne peut que mériter un minimum d'attention. Cet homme représente exactement tout ce que j'exècre. Un coach sportif particulier, une femme qui a 25 ans de moins que lui, sotte à repasser un k-way, 2 voitures flambantes neuves, et une manière de s'adresser à ces employés rappelant sans mal les méthodes employées par le roi envers ses vassaux il y a quelques siècles de ça.
Lassé d'être considéré comme un excrément raté, j'ai tapé son nom dans google en rentrant un soir du travail.
Oh ivresse et exaltation ! Comment ne m'être pas rendu compte de cela plus tôt. Les petites enveloppes promenants mano à mano à la fin du service, les salariés à 95% dans la même situation illégale que moi, les grosses voitures, et tous les stéréotypes ambulants que je croise depuis un mois. Je travaille pour un DSK de seconde zone. Une des nombreuses cibles de la commission Charbonneau de Montréal, un  de ces mafieux qui magouille souplement depuis des années, nageant le sourire aux lèvres entre les mailles du filet de la justice. Je donne mon temps à un enfoiré de première. A la vue de la collection de casseroles que le coquin accumule à l'arrière-train, je peux comprendre qu'il soit dans la restauration.
Et puis je suis parti à la fin du mois de travail. J'ai pas quitté le travail parce que tout ce système me posait un problème d'éthique, je suis parti parce que j'avais gagné assez d'argent. J'ai pris le cash et puis je ne suis pas revenu. Je le regretterai peut être un jour en le racontant, mais c'est comme ça. Ils sont forts ces italiens.