mercredi 27 novembre 2013

We are what we believe.

Juin 2008, coup de téléphone de mon pote Chamoule, le plus provincial des Parisiens, installé depuis quelques temps à Londres. Son nouveau groupe Jedethan part sur une tournée Franco - Belge d'une dizaine de date en compagnie d'un chanteur folk, originaire du Sud de la capitale anglaise, un certain Frank Turner. 
Son orchestre Million Dead avait eu son petit effet sur mes poignées auditives à l'époque. Je connais le garçon pour l'avoir croisé deux ans plus tôt sur un festival en banlieue Toulousaine. On avait filé un petit coup de pouce avec ToLoose Punkers pour que le petit protégé de Cham soit à l'affiche d'un évènement organisé par nos camarades de Progrès Son. Cheveux longs, petit bouc façon Nickelback, j'ai le souvenir d'un agréable jeune homme, festif, et énormément talentueux.  Bref, il manque un camion et un chauffeur pour une tournée d'une petite dizaine de date en France et Belgique. Mon emploi du temps étant aussi troué qu'un blue-jeans de Seattle en 1993, j'accepte volontiers la proposition de mon camarade et embarque toute la troupe à Paris dans le camion orange, après une fête de la musique légèrement mouvementée.
On part ainsi quelques jours sur la route, de Paris à Bruxelles, en passant par Valence ou Toulouse. On forme une belle équipe, ce trio Jedethan, et son stoner rock hybride, Frank et ma tronche. Une bonne ambiance fidèle aux tournées de rock, humour colonie de vacances et railleries de rigueur. Je découvre les chansons du londonien, et l'intensité des représentations. Seul avec son bout de bois à 6 cordes, il joue avec la même ardeur devant 15 personnes à Lille, le double le lendemain, et puis devant 8 teigneux à Nice. De petits rads, en barbecues, la troupe fait ainsi un bon petit tour dans nos provinces hexagonales. De l'autre coté de la Manche, les chansons de Francis rencontrent déjà un succès tel que l'oiseau s'envole en fin de semaine pour assurer des prestations dans les plus gros festivals anglais.
Au fil des dates, le jeune britannique est en passe de prendre une place de choix dans ma sensibilité et mes goûts folk,  au côté d'un autre chanteur au prénom similaire. Coucou Francis.
J'accroche bien avec le gazier et le reste de l'équipe. On a en commun les mêmes valeurs, un amour de l'asphalte et un sens de la fête aiguisé. Songwriter hors pair, humble, discret, et efficace sur les planches, je ne doute pas dans son avenir dans le métier. On partage d'agréable moment à l'avant du camion. On s'échange nos parcours, nos histoires de coeur, et d'autres anecdotes certainement aussi intéressantes qu'une vidéo féline sur un réseau social has been. La tournée se termine, on repart tous au boulot, Frank sur la route.
Ecaussines, Belgique - Juin 2008.

La Chimère, Lille - Juin 2008. 
1er Novembre 2013, nous sommes à Dallas, Texas. Je  ne sais guère ce qu'on fiche là. Au moment de prendre le billet New-York-->Los Angeles, mon interlocuteur nous a offert le choix de passer 3 jours à Dallas avant de rejoindre la Californie. Dans l'excitation du moment, je réponds positivement avec un enthousiasme certainement inadapté avec les attractions de la ville. Ce n'est pas que je me contrecarre de visiter l'endroit ou JFK s'est fait assassiné mais nous en sommes pas loin.

La destinée arrange parfois bien les choses. Alors que nous nous apprêtons à nous vautrer pendant 3 jours dans les draps de l'ennui de la cité texane, j'apprends que  Frank est en ville avec ses camarades de jeu : The Sleeping Souls. Le petit coquin est en tête d'affiche d'une énorme tournée américaine de deux mois. 
Mis à part quelques mails échangés à la volée,  je n'ai guère eu de nouvelles directement. Mais depuis 5 ans, celui qui jouait autour des feux de camps dans les jardins flamands, à sérieusement avalé les kilomètres de la route du succès. Une signature sur le plus gros label indépendant du monde, trois albums, une date homérique au Wembley Arena de Londres, une prestation pour la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques, j'en passe et des raisons pour chopper une pastèque à la Alain Delon.
J'envoie au hasard un courrier électronique au jeune homme lui signifiant que nous sommes en ville. Aucun soucis, des centaines et des centaines de dates plus tard, et de milliers de miles parcourus, associés certainement à un pacson de rencontres, il est heureux d'avoir des nouvelles et nous rajoute sur la liste des invités.
Dallas, TX - Novembre 2013
Le charisme est noble uniquement lorsqu'il est dépourvu de frime. Frank fait parti de ces gens là, capable de te mettre une salle entière complètement à merci. Pas de démagogie mal placée, ni de discours surfaits, les prises de positions sont sincères, et fidèles aux valeurs défendues dans le passé. Les chansons, entre hymnes folk aux refrains fédérateurs, et ballades poétiques retournent les viscères à faire sangloter le moindre cowboy trop à l'aise sur sa selle. Entre les chansons, je retrouve le même humour, auto - dérision, et proximité avec l'auditoire.
Je retrouve dans cette salle de l'est de Dallas, la même ambiance qu'il y a cinq ans sur les routes de France. Le public bien plus mixte et bigarré qu'à l'époque connait les textes sur le bout des doigts. On est coincé entre un couple de gros beaufs, et un vieux fermier doté d'une magnifique casquette couleur "urine", et on chante tous les mêmes tubes. 
Concert terminé, on retrouve Frank au milieu de ses fans, il fait son job avec plaisir, et prend le temps de prendre une photo avec chacun d'eux. J'hallucine complètement sur la situation. Les jambes tremblotantes, la plèbe attend patiemment son tour, son instant privilégié avec l'artiste. Tout ça me dépasse un peu. On termine sur une terrasse d'un bistrot de la ville, Frank paye son coup, nous présente son équipe et ses musiciens, puis on reprend l'échange d'enfantillages que nous avions commencé il y 5 ans puisque visiblement nous n'avions pas terminé. 
Si un zigue devait incarné la notion d'humilité, ça serait certainement celui-ci. La où certains explosent en plein vol lorsque les salles se remplissent, d'autres restent intègre et se bonifient au contact du succès. Je souhaite le même parcours à tous ces troubadours que l'on croise sur la route avec leur instrument de fortune. J'en connais même qui mériteraient d'être ailleurs que dans les pmu déroutant de l'hexagone (suivez mon regard). D'autres peut-être, feraient ils mieux de reprendre un orchestre de musique extrême. C'est toujours plus confortable derrière un ampli.
Enfin merci Frank, il y a quelque chose de rassurant à suivre ta carrière. Il y a même un peu de fierté qui s'évade quand je jette un coup d'oeil dans le rétroviseur.

Jedethan & Frank Turner - Juillet 2008

2 commentaires:

  1. Coucou mon beau! Gros bisous et merci pour le voyage dans le temps! Putain, ça nous rajeunit pas ces souvenirs haha!

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    1. Ah trop cool ! j'avais oublié que j'avais actionné les commentaires. Et oui ça commence à dater punaise...
      Des bisous mon beau

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